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Ne pas savoir


Nous avons mis un peu de temps à vous écrire. Il nous fallait laisser les choses se déposer. Parfois, il faut que quelque chose se taise, pour que quelque chose d’autre puisse parler.

Sinon, il y a trop de bruit.

Comme beaucoup parmi vous, au cours des dernières semaines nous avons vu notre réalité voler en éclat sans savoir ni quand, ni comment, nous allons reprendre les choses, ni ce qui pourra être recollé.

Alors, nous nous sommes tues.

Sans savoir.

Puis, c’est cette perspective d’accepter de ne pas savoir qui a refait surface et qui, comme une bouée, nous a fait émerger de notre silence. Accepter de ne pas savoir, c’est inhérent à notre travail d’artistes; c’est accepter de ne pas toujours contrôler le temps; c’est accepter d’attendre et de laisser le processus se faire. Parfois, d’autres étapes doivent se faire avant que nous y mettions la main.

Ces dernières semaines, l’expérience de notre pratique artistique a été notre plus grand guide. Elle nous a rappelés à l’humilité devant ce qui doit être fait ensemble et à l’importance de faire confiance au pourvoir transformateur de notre imaginaire individuel et collectif.

En ce moment où nous vivons le confinement, où nous devons attendre, sans savoir, les arts sont plus que jamais présents dans nos vies. Au quotidien, et sous différentes formes, ils contribuent à notre mieux-être et à notre apaisement. Ils nous insufflent courage et espoir pour nous maintenir en action et fier.e.s de que nous sommes. Ils renforcent notre capacité à faire face à ce qui peut sembler insurmontable et nous aident à nous à relever.

Nous le savons.

En 2005, nous étions dans un camp de réfugiés angolais en République Démocratique du Congo où, devant ce qui ne peut être changé, un jeune adolescent fabriquait une guitare avec un bidon d’huile alimentaire. Son instrument de musique improvisé, au son d’une mandoline métallique, a fait en sorte que sa musique rassembleuse nourrisse l’espoir de jours meilleurs. Et c’est arrivé! Lors de la Grande Cueillette des mots en Haïti, en 2010 après le séisme, où devant ce qui nous apparaissait, à nous, comme étant insurmontable, nous avons demandé à nos collègues artistes haïtiens comment ils comptaient y arriver : Mais nous avons tout, nous avons notre culture!, nous ont-ils répondu. Et ils ont traversé cette tragédie et d’autres encore qui sont venues après. Nous l’avons vu aussi dans la créativité et l’imaginaire des gens de Lac-Mégantic suite à la tragédie de 2013.

Les arts deviennent notre porte-voix et ouvrent les portes de nos imaginaires. Du singulier nous devenons pluriels. Nous nous sentons plus fort.e.s pour surmonter les épreuves et plus courageux.ses pour entreprendre des actions.

Dans les prochains mois, ce ne sera plus pareil. Il y aura eu l’avant, le pendant et il y aura l’après où nous devrons créer de nouvelles voies. Parfois le processus prendra son sens tout de suite, parfois nous ne réussissions pas du premier coup, mais nous serons en marche.

Conscient.e.s de notre privilège.

Et, même si nous sommes tous et toutes physiquement à la maison, nos liens tissés serrés avec vous demeurent plus importants que jamais. L’esprit de nos projets Monarques, les Grandes Cueillettes des Mots, Quatre-Quarts et Rivières de Lumières nous accompagnent et nous inspire. Nous sommes à imaginer les prochaines semaines et les prochains mois et nous souhaitons le faire avec vous, pour que nos créations continuent à être porteuse de sens et d’espoir pour, ensemble, imaginer notre demain.

À très bientôt et merci d’être là, en lien avec nous.

En toute solidarité,

Toute l’équipe et le CA du Théâtre des Petites Lanternes


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